Dans un univers définitivement converti à la marchandise ( voir l'ouvrage de Guy Debord: La société du spectacle), dans une société où pour une majorité de personnes le luxe est devenu de l'art tandis que l'art reste toujours un luxe, l'artiste contemporain se trouve chaque jour davantage confronté à la question de Camus: l'art est-il un luxe mensonger?

L'artiste a toujours essayé d'extorquer quelque chose au réel mais n'en est pas moins conscient de produire dans le faux, soit le simulacre. La peinture n'est certes pas le véhicule idéal d'accès à la Vérité. Il n'en reste

pas moins que c'est cette recherche qui me guide dans mes œuvres. Vouloir laisser des traces semble d'autant plus incongru qu'à terme (plus ou moins long certes) il ne restera rien du monde.

Il n'empêche que je m'inscris dans une filiation qui commence dès Lascaux, quand l'homme dissimulait son visage au milieu de formes sacrées, puis chez Bosch où le fantastique, le caché est plus ou moins traqué. Monzu Desiderio, Patinir, Cranach, Ucello,  Caspar David Friedrich, Delacroix, Ingres, Cezanne.  Longue est la liste des artistes ayant contribué à ma conception du monde.

J'essaye dans la mesure de mes moyens de ne pas oublier que notre corps est le vecteur de notre âme et qu'il convient de ne pas laisser la main de coté lorsqu'on œuvre à la recherche de soi. Je pense et je peins, je pense quand je peins, et souvent, ce que je peins change ma pensée, du moins l'oriente vers un nouveau chemin qui mène à une toile sortie de nulle part, un peu fantastique, où il ne semble pas toujours qu'il y a quelque chose à voir. Justement souvent il n'y a rien à voir et c'est cet oubli de l'éblouissement qui peut nous permettre de ne pas nous perdre dans le réel.